L’administration et la régulation des paris hippiques
Les paris sur les courses hippiques se distinguent des autres jeux d’argent par leur histoire, liée à celle de l’élevage et de l’amélioration des différentes races d’équidés. Le système français des courses a été très administré depuis la première loi organique du 2 juin 1891 qui subordonne les sociétés de courses au contrôle du Ministère de l’Agriculture et autorise celles qui ont pour but exclusif l’amélioration de la race chevaline, à organiser dans leurs hippodromes la prise de paris sur le modèle du pari mutuel. Dans cet article, vous découvrirez l’essentiel à savoir sur l’administration et la régulation des paris hippiques.
Comment l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne menace-t-elle le financement des courses hippiques ?
Dès le début, il est prévu des prélèvements par l’État sur les enjeux ayant pour objectif de financer des œuvres de bienfaisance d’une part, et l’élevage d’autre part. De surcroît, les besoins de la reconstruction après la 1re guerre mondiale donnent lieu à de nouveaux prélèvements destinés au financement de la construction d’hôpitaux, de réseaux d’adduction d’eau potable, et à la modernisation de l’enseignement agricole. En 1930, les sociétés parisiennes reçoivent l’autorisation de prendre des paris hors des hippodromes ; elles se regroupent alors sous le nom de PMU pour gérer et collecter les mises des parieurs. La motivation pour le jeu l’emporte alors sur le spectacle et le sport qui attirent le public sur les champs de courses.
Les nouveaux prélèvements sur les enjeux sont directement rattachés aux budgets des ministères intéressés et attribués aux différents bénéficiaires sans passer par le budget national. En 1941, ils représentent déjà 12 % des paris enregistrés par le PMU. Les prélèvements atteindront 14,5 % en 1956, permettant la création de nouveaux fonds pour les familles (1956), pour le développement du sport (1980) ou de la vie associative (1984). Afin de garder le contrôle sur le PMU, l’État impose une restructuration de l’institution des courses qui aboutit en 1983 à la transformation du PMU en groupement d’intérêt économique, sous tutelle de l’État, par lequel les sociétés de courses doivent passer obligatoirement pour organiser des paris hors des hippodromes.
Ce monopole permet au PMU d’afficher un chiffre d’affaires important, parmi les cinquante plus importants en France tous secteurs confondus, et de contribuer au financement de la filière hippique et de l’économie nationale. En effet, les dix milliards d’euros de paris pris en 2011 ont rapporté plus d’un milliard d’euros à l’Etat et un peu plus à la filière courses à travers le retour aux sociétés de courses, comprenant entre autres le financement des frais de fonctionnement du PMU. Les acteurs du monde équin investissent de plus en plus dans les meilleurs accessoires en s’approvisionnant auprès d’entreprises fiables comme La Sellerie Française.
Toutefois, le développement des jeux en ligne sur internet, difficiles à taxer par l’État bien que facilement accessibles pour les joueurs, est venu perturber l’équilibre du système à un moment où, par ailleurs, l’Union européenne signifiait à la France que le monopole du PMU (et de la Française des jeux, FDJ) était en totale contradiction avec la volonté européenne de libéraliser les services et d’offrir plus de concurrence en matière de jeux. D’autres pays européens étaient incriminés pour les mêmes motifs. Certains ont choisi de se mettre rapidement en conformité en libéralisant les jeux, complètement comme l’Italie et le Royaume-Uni ou plus partiellement comme l’Allemagne et la Belgique, alors que d’autres tels que le Portugal et la Suède ont défendu le monopole d’État au motif de la lutte contre l’addiction, s’engageant à contenir le montant des enjeux.
Compte tenu des efforts commerciaux du PMU et de la FDJ pour développer la clientèle, il était difficile pour la France de plaider pour le maintien du monopole en avançant de bons résultats en matière de limitation de la dépendance grâce à des jeux raisonnables et responsables 114. Les différents arbitrages ont ainsi abouti à la loi du 12 mai 2010 qui ouvre à la concurrence le secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Cette loi tente de répondre aux demandes de l’Union européenne tout en légalisant l’existence d’opérateurs privés par leur agrément (7 opérateurs de paris hippiques ont été agréés dès l’application de la loi). La loi impose un taux de retour aux joueurs maximums de 85 %, une fiscalité directe de 7,5 % des mises et une redevance de 8 % sur les sommes engagées par les parieurs au profit des sociétés de courses au titre de la mission de service public d’amélioration de l’espèce équine et de promotion de l’élevage qui leur est confiée.
Cette dernière mesure n’a pas été acceptée au niveau de l’Europe, qui a ouvert une procédure contre la France portant sur la compatibilité de cette redevance avec le droit européen. Dans l’attente d’une issue à cet examen, des aménagements fiscaux permettent aux Sociétés de course de récupérer ces montants. La loi d’ouverture du marché a également permis aux communes d’implantation des hippodromes de bénéficier, au prorata des enjeux des courses effectivement misés sur lesdits hippodromes, d’une fraction de 15 % du prélèvement fiscal sur les paris hippiques, dans la limite de dix millions d’euros au total et de 700 000 euros par commune. L’ouverture à la concurrence n’a jusqu’alors pas pénalisé le PMU qui s’impose comme le premier site de paris en France grâce à la réussite de sa diversification dans un contexte où les prises de paris en ligne ne représentent qu’environ 10 % des enjeux, mais présentent néanmoins une forte croissance (+30 % entre 2010 et 2011).
Plus incertain est l’avenir du financement de la filière hippique. En effet, la remise en cause potentielle du retour aux Sociétés de courses menace le fonctionnement actuel des courses dans la mesure où la redevance représente 80 % de leur budget, budget destiné à l’organisation des courses, l’entretien des centres d’entraînement et plus particulièrement au versement des primes et allocations aux éleveurs et propriétaires de chevaux. En outre, une partie du montant reversé aux sociétés de courses permet de financer des projets structurants et innovants pour l’ensemble de la filière équine à travers le fonds ÉPERON (neuf millions d’euros en 2010). Cette ressource est ainsi déterminante dans la mesure où, par ailleurs, il n’existe pas de droit à l’image qui permettrait une indemnisation pour l’utilisation des courses en support aux paris.
Une régulation à construire entre libre concurrence, protection des consommateurs, et financement de la filière
Le fonctionnement du secteur des courses, dont l’économie repose en grande partie sur les paris hippiques, se retrouve ainsi dans le tourbillon de la politique des jeux qui concerne une grande variété d’opérateurs. Son avenir pour rester fondé sur le système historique dépend en premier lieu du maintien d’un retour des enjeux aux Sociétés de courses. Si la part de 8 % semble « institutionnalisée » à l’échelle française, elle n’en reste pas moins incertaine au niveau européen. Le principe d’un prélèvement permettant l’organisation des courses et le versement d’encouragements pourra certainement être justifié pour être compatible avec le droit européen.
Dans le meilleur des cas, la France parviendra à défendre un retour de 8 % des enjeux pour le financement des missions confiées aux Sociétés de courses, éventuellement réduit en cas de poursuite de la croissance des paris hippiques. En effet, maintenir ce pourcentage à long terme ne pourra certainement être défendu que par la nécessité de maintenir un montant global suffisant pour garantir le fonctionnement des courses. Par ailleurs, la problématique générale de la régulation des jeux d’argent et de hasard n’en est qu’à ses débuts avec la loi de 2010. Les multiples débats sur le sujet ont la vertu de relancer les préoccupations sur les impacts sociaux et sanitaires des jeux d’argent et de hasard.
La volonté d’ouverture et de stimulation de la concurrence qui l’emporte actuellement peut très bien se retrouver, à long terme, confrontée à ses conséquences en matière de santé publique et induire un retour au monopole d’État sur les jeux, sous une forme différente de celui qui a existé dans le passé, fondé sur une maîtrise des enjeux et des règles garantissant le jeu responsable. À long terme, avec le développement d’opérateurs mondiaux puissants, une libéralisation totale des jeux, y compris dans les points de vente « physiques », n’est pas à exclure du fait de l’incapacité à contrôler et taxer les sociétés.
Cela signifierait pour les courses la disparition totale des retours financiers à la filière et la concentration des courses par les entreprises privées sur quelques hippodromes regroupant les moyens techniques, matériels et humains. Ces évolutions possibles doivent être mises en perspective par rapport à l’intérêt des parieurs. Le retour à la filière, s’il parvient à s’inscrire dans la durée, n’assurera sa pérennité que si les enjeux sont suffisants. Organiser 18 000 courses par an pour 30 000 chevaux en activité ne peut se faire sans la contribution de parieurs ou de joueurs qui devront faire des arbitrages parmi la multitude d’offres qui leur seront proposées.